Rencontre avec Optimetriks

L’équipe d’Azao a eu la chance de rencontrer Paul Langlois-Meurinne, co-fondateur de la start-up Optimetriks qui a remporté le premier prix de la Nairobi Tech Week le 21 avril.

Azao : Pouvez-vous vous nous parler de votre parcours et nous raconter comment est née l’idée d’Optimetriks ?

P.L.-M. : Après une expérience au sein du cabinet Altai Consulting, j’ai travaillé plusieurs années pour des opérateurs de télécommunications au Tchad (Tigo) et en Ouganda (Airtel) en charge du développement des services de mobile money. C’est à cette occasion que j’ai été confronté aux problèmes spécifiques liés à la gestion des réseaux de distribution en Afrique Sub-Saharienne. En effet, 90% des ventes de produits de grande consommation (fast moving consumer goods) se produisent par l’intermédiaire de ces millions de petites boutiques, souvent dans l’informel. Pour les entreprises, il est extrêmement difficile d’obtenir des informations fiables et fraiches sur la façon dont les clients accèdent ou non à leurs produits, c’est-à-dire leur présence parmi les points de vente, leurs niveaux de stock, leur visibilité, leur prix, etc. En 2016, j’ai donc lancé la startup Optimetriks avec Marc de Courcel et Augustin de Choulot pour proposer des outils digitaux qui permettent un pilotage scientifique et data-driven de la distribution.

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Azao : Comment Optimetriks répond à ces problématiques de distribution en Afrique ?

P.L.-M. : Nous avons développé une plateforme agile en mode Software as a Service (SaaS) qui permet de digitaliser les principaux process liées à la distribution (retail audit, gestion des circuits de visite, prise de commande, livraison, etc.). Nous équipons tout l’écosystème de la distribution, boutiquiers, vendeurs, livreurs, distributeurs et marques, au moyen d’une application Android et d’une interface web (tableaux de bord de reporting et console de gestion). Nous nous différencions par la grande modularité de notre solution et une facturation sous forme de licence, ce qui permet de nous déployer facilement.

Il faut savoir que la distribution s’opère aujourd’hui à travers une multitude d’intermédiaires et qu’en collectant de l’information en temps réel, nous permettons aux marques de reprendre le contrôle vis-à-vis de ses distributeurs et d’avoir une compréhension fine et réelle de leur position de marché. Maîtriser sa chaîne de distribution et apporter de la valeur au boutiquier, qui dispose d’un vrai pouvoir de prescription vis-à-vis du client final, sur des produits facilement substituables (le savon par exemple) est une condition essentielle de la réussite.

En guise d’exemple, nous avons déployé notre solution parmi 60 commerciaux d’un opérateur télécom au Ghana pour lui permettre de mieux suivre son réseau de revendeurs. Nous avons constaté une amélioration immédiate de la performance, aussi bien au niveau des commerciaux, avec 30% de visites en plus par jour, que des revendeurs visités, deux fois plus actifs que ceux qui ne recevaient pas de visites. Le retour sur investissement était donc évident.

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Azao : Comment faites-vous pour faciliter la prise en main de votre outil par les acteurs locaux ?

P.L.-M. Notre application Android a été développée en Afrique à travers une démarche de design thinking, itérative, et en adéquation avec les usages locaux. Par exemple, pour un boutiquier faiblement éduqué et disposant de peu de temps, il sera plus intuitif d’avoir recours à un chat ou à une navigation visuelle. Nous nous sommes donc efforcés de faire au plus simple.

Elle fonctionne également avec un mode hors ligne, compte tenu de la connectivité fluctuante de l’internet mobile et comporte un tracking GPS constant.

L’analyse des data collectées et des photos se fait automatiquement via le recours à des algorithmes de traitement de l’information et de reconnaissance de logos pour directement alimenter nos tableaux de bord analytiques.

Enfin, la clé du succès reste bien entendu la formation des équipes qui seront en charge de l’utilisation des outils, une étape du projet à laquelle nous consacrons beaucoup de temps.

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Azao : Aujourd’hui, où en est Optimetriks dans son développement ?

P.L.-M. : Nous avons deux sièges, un en France, à Paris, et un au Kenya, à Nairobi. L’équipe est composée de 15 collaborateurs et mène des projets dans 12 pays africains pour des clients comme Danone, Nestlé, L’Oréal, Total ou des acteurs locaux.

Nous sommes dans une phase de levée de fonds pour accélérer notre croissance et être capable de proposer une offre à l’échelle pan africaine en nous appuyant notamment sur un réseau de partenaires locaux.

Notre effort actuel porte toujours sur la construction et l’amélioration de notre plateforme, afin qu’elle soit pertinente pour tous les acteurs qui l’utilisent et pour tenir compte de tous les cas d’utilisation que nous soumettent nos clients, par exemple qu’un commerçant puisse passer commande directement par notre plateforme.

Azao : Quels sont les prochains défis que vous vous proposez de relever ?

P.L.-M. : Une première dimension sera d’apporter plus d’intelligence dans le traitement des données, en ayant recours à de la data science, pour, par exemple, prédire les ruptures de stocks, optimiser les planning de visite, réduire les inefficiences logistiques, analyser plus rapidement les photos prises, etc.

Un deuxième axe qui nous intéresse porte sur la variété des canaux d’interaction avec les boutiquiers et les acteurs de la distribution. Je pense en particulier à Whatsapp qui est utilisé à grande échelle en Afrique, et qui constituera une plateforme de communication à grande échelle très efficace, lorsque seront ouvertes les API pour le développement de chatbots, à l’instar de Messenger.

Enfin, à plus long terme, une fois que nous serons capables de collecter de façon régulière les informations sur les ventes au niveau des boutiques et que nous serons capables d’attester de l’identité des boutiquiers, nous serons intéressés de les utiliser pour permettre de faciliter l’obtention de crédit et de réduire les taux pratiqués via une évaluation plus fine du risque de crédit. Le faible fonds de roulement, dû en partie à un accès rare et cher au crédit, constitue aujourd’hui un frein majeur à la croissance des boutiques et à leur cantonnement dans une situation informelle donc précaire.