Baromètre de la Microfinance 2018 : Quelles rentabilités pour la microfinance ?

Chaque année depuis 2010, la plateforme de réflexion et de mobilisation Convergence (fondée en 2008) publie un baromètre destiné à faire le point sur la situation et l’évolution de la microfinance dans le monde. L’organisation, qui poursuit les Objectifs du Développement Durable, a décidé d’orienter le baromètre de la microfinance 2018 sur la relation entre impact social et rentabilité financière.

 

convergences

 

Une croissance mondiale du secteur de la microfinance positive mais ralentie

Les institutions de microfinance (IMF) comptent aujourd’hui 139 millions de clients (+5,6%) pour un montant total de prêt de 114 milliards de dollars (+15,6%). Malgré une augmentation du taux de croissance du portefeuille de crédit, on constate un ralentissement de la croissance du nombre total d’emprunteurs.
Au niveau mondial, la croissance du secteur varie fortement d’une région à l’autre. Ainsi, si l’Asie du Sud et du Sud-Est dispose du volume et de la croissance les plus importants en termes du nombre d’emprunteurs et de l’encours de crédit, l’Europe, l’Afrique et l’Amérique présentent des niveaux d’activité plus faibles.


La microfinance en Europe

La situation de la microfinance en Europe revêt 3 caractéristiques :

  • Un fort potentiel de croissance alimenté par le marché de microcrédits aux entreprises : une étude montre en effet que ce marché potentiel s’élevait en 2016 à 2,7 millions de demandes de prêts soit 17,4 milliards d’euros.
  • Une hétérogénéité d’acteurs présents sur le marché de la microfinance : ONG, institutions financières non bancaires, caisses de crédit et coopératives financières
  • Une offre de soutien non financier : le secteur de la microfinance en Europe ne se limite pas à la fourniture de services financiers à des personnes exclues. Par exemple, près de 70% des IMF européennes offrent des services non financiers à leurs clients (coaching, conseil, tutorat, ateliers de groupes, séminaires, etc.).

Il convient également de noter l’écart de rentabilité qui existe entre Europe de l’Ouest et Europe de l’Est. Alors qu’en 2015, le ROE moyen des IMF d’Europe de l’Est s’élevait à 7,7% celui des IMF d’Europe de l’Ouest restait négatif à -2,7%.
En raison de la structure de coûts des IMF, des services non financiers proposés et de la concurrence, le futur du microcrédit en Europe « dépend fortement de la capacité d’investisseurs engagés à apporter des ressources financières bon marché » selon Isabelle Schiltz, chargée de projets Inpulse au Crédit Coopératif.

Le paradoxe français

Concernant la rentabilité des IMF, la situation française est marquée par un paradoxe : une rentabilité insuffisante en dépit d’une efficacité parmi les plus élevées au monde. Le taux d’intérêt moyen pratiqué en France par les IMF est de 3%, le taux qui permettrait d’atteindre un équilibre financier s’élève à 30%, le secteur est donc fortement dépendant des financements privés et public.
Pourtant, les microcrédits produisent un impact social important. Par exemple, le microcrédit personnel, destiné à financer des projets d’insertion professionnelle ou d’insertion sociale, ainsi que les services non financiers d’accompagnement ont permis une amélioration de la situation et du niveau de vie des emprunteurs. Le microcrédit personnel se montre être un « tremplin vers l’emploi salarié ». En effet, 3 microcrédits sur 4 ont servi à financer un projet d’accès ou de maintien dans l’emploi salarié.


Performance Sociale : « être responsable pour être durable, être rentable pour rester durable »

La rentabilité des IMF est souvent un sujet sensible, cependant, cette dernière est nécessaire du fait d’un financement basé sur l’endettement et les fonds propres. L’équilibre à atteindre entre performance financière et mission sociale est difficile à quantifier, à mesurer. A partir de quel niveau un profit n’est-il plus justifié ? Les Normes Universelles de Gestion de la Performance Sociale ont justement été créées afin de promouvoir des pratiques de gestion clés guidant les IMF sur la manière d’équilibrer leurs performances financières et sociales. De plus, un outil d’audit social nommé CERISE-SPI4, utilisé par plus de 300 IMF dans le monde, les aide à évaluer leur activité grâce à plusieurs critères tels que le taux de croissance, le rendement des actifs et la distribution des profits.

Le baromètre aborde également la performance sociale sous l’angle du SROI (retour social sur investissement) et sur la nécessité de sa crédibilité, transparence et communicabilité. Un calcul de SROI réalisé par Adie et KPMG est présenté dans le rapport.

Autres thèmes abordés

Sont aussi abordés la place des Véhicules d’Investissement en Microfinance (VIM), la difficulté de mesurer l’impact social réel ainsi que la place de la technologie et de la blockchain en microfinance. Le lecteur trouvera également dans ce baromètre des études de cas (Advens Côte d’Ivoire, Grameen America, STEP Inde) et un entretien discutant du lien entre rentabilité et impact social avec 3 directeurs de grandes organisations (Crédit Agricole, BNP Paribas, SIDI).

Consulter le Baromètre de la microfinance 2018